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Le tataoui est un clayonnage de plafond de l'étage supérieur des habitats traditionnels l’Anti-Atlas. Il tient son nom de l’oued Tata, qui est un affluent du Drâa, région où il semble être le plus répandu et sa dénomination s'est généralisée pour désigner les plafonds décorés en fibres végétales, qu’il s’agisse de laurier rose, de roseau, de branche de palmier ou autre.
La dimension esthétique accordée à ces plafonds qui ornent les habitats rustiques des villages de l’Anti-Atlas leur confère un caractère très particulier. Les baguettes, de laurier rose ou de roseaux, teintes dans les couleurs de l’environnement local, à dominante ocre ou jaune, qui composent ces plafonds forment des mosaïques, à travers des motifs géométriques. A forte charge symbolique, ces motifs anciens d’inspiration berbère dont l’interprétation s’est diluée dans l’inconscient collectif sont porteurs de baraka et de forces magiques.
Fonctionnels, ces plafonds sont aussi et d’abord un procédé de construction, ils servent à soutenir le toit des habitations, sous la forme d'un coffrage couvert de terre damée, le tout constituant une toiture traditionnelle.
Inutile de parcourir la monumentale encyclopédie des arts traditionnels marocains dressée par André PACCARD en 1980 : on ne trouvera aucune indication sur le Tataoui, pas même indexé à la fin de l'ouvrage. Le goût de l'époque va à l'art citadin, très sophistiqué et un rien clinquant dont s'enorgueillissent demeures bourgeoises et palais impériaux. Le Tataoui, rural et berbère, n'est pas seulement déconsidéré, il est ignoré. Il faut attendre le milieu des années 90 pour que, dans la vague montante de réhabilitation de l'architecture de terre, on en vienne à le reconnaître comme une technique artistique patrimoniale.
Les seules références documentaires antérieures sont à porter au crédit d’André ADAM qui au début des années 1950 évoque « ces plafonds à clayonnage qui dessinent des figures géométriques, le plus souvent des losanges recouverts d’une couche de terre battue, qui repose quelquefois sur un mince lit de pierres, choisies larges et plates » dans un article intitulé « La maison et le village dans quelques tribus de l’Anti-Atlas ». Son contemporain Lucien GOLVIN note également la présence de ce type de plafond dans son étude « Architecture berbère »
Il est donc aujourd’hui encore difficile, pour ne pas dire impossible, de déterminer l’origine de cette technique de construction ancienne, utilisée dans les villages berbères de l'Anti-Atlas. Certains y voient les équivalents rustiques des plafonds en bois sculpté des palais fassis artesonado de la tradition andalouse. D’autres y voient une origine orientale bien plus ancienne importée avec l’art de construire en terre il y près de deux mille ans du lointain royaume des Himyars qu’on appelle aujourd’hui le Yémen.
Pour mieux comprendre la prédominance du Tataoui dans l’architecture de l’Anti-Atlas, il faut se rendre sur place et aller dans la région qui s’étend de Tata à Foum Zguid, et écouter les témoignages des maâlmines et des villageois. On saisit alors très vite que cette tradition appartient à une région plus qu’à une époque.
Autrefois enclavés et privés de tout contacts avec le reste du territoire les habitants devaient recourir, pour leur construction, à des ressources strictement locales qu’il s’agisse de la terre pour les murs, ou des matériaux de base utilisés pour le Tataoui.
La rareté du bois dans ces régions arides explique ainsi la présence de ce type de plafond. A la différence des charpentes classiques qui nécessitent pour les poutres, les solives et les lattes des planchers du bois de qualité en grande quantité, le Tataoui optimise l’exploitation du matériau. Pour éviter la dilapidation des fragiles ressources en bois, le voligeage est réalisé avec des petites branches de laurier rose, de palmier ou de roseaux, selon ce que l’artisan trouve à sa disposition.
A l’aspect fonctionnel de ce procédé de construction, le Tataoui allie un aspect esthétique évident. Ces plafonds colorés ornés de figures géométriques parfois complexes constituent un facteur d’embellissement des maisons. Avoir un plafond en Tataoui est donc aussi un signe extérieur de richesse, révélateur du rang social, il est synonyme de pouvoir qu’il soit religieux, politique ou économique. On construisait autrefois en Tataoui dans les kasbahs, les ksours, les maisons des fqihs, ou encore les mosquées. Quant aux maisons des plus humbles, le voligeage se limitait généralement à un assemblage de branches hétéroclites et de palmes sans ordre, ni couleur.