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Au Maroc, la laine utilisée pour le feutrage est celle du mouton.
Elle est retirée en tondant l’animal vivant ou en chaulant les peaux des dépouilles.
Elle est débarrassée de toutes les impuretés qu'elle contient (terre, poussière et débris de végétaux) avant d’être teinte, à l’aide de poudres colorées, dans des cuves d’eau bouillante.
Elle est ensuite peignée avec des cardes à main : petites planches de bois recouvertes de clous qui ont pour effet de démêler la laine pour mettre les fibres dans le même sens.
Le feutrage est obtenu en frottant la laine avec de l’eau savonneuse. Au contact de l’eau et du savon noir, les écailles des fibres s’ouvrent et sous l’action du frottement elles s’enchevêtrent pour donner l’aspect feutré. C’est accroupi dans son échoppe que le maâlem dispose ses voiles de cardes jusqu’à obtenir la forme voulue et les travaille pendant des heures. Pour les feutrer, il les masse délicatement avec la mousse du savon. Plus l'étape du savon dure longtemps, plus le feutrage est progressif et meilleur est le résultat.Le feutrage d’un sac demande quatre heures de travail. Un chapeau comme le tarbouche est réalisé en deux heures. Un tapis peut prendre plusieurs jours en fonction de sa taille et de son épaisseur .
Le feutre est le premier textile fabriqué par l’homme à partir de poils d’animaux (moutons, chèvres, lapins, chameaux, ours, castor).
Le plus ancien, daté vers 6500-6300 avant Jésus Christ, est une teinture murale trouvée dans la ville néolithique Catal Huyuk en Turquie. D’autres pièces, qui remontent du 7ème au 2ème siècle avant Jésus Christ, ont été découvertes dans les chambres funéraires en pierre du mont Altaï en Sibérie.
Dès la Préhistoire, les peuples d’Asie travaillent le feutre pour réaliser des vêtements, des bottes, des chapeaux, des tapis et des tentes. Nomades, ils se déplacent avec leurs troupeaux et doivent fabriquer eux-mêmes leurs habits et leurs habitats pour se protéger. Ils voient leurs animaux résister à la pluie, au froid, à la neige, au soleil grâce à leur toison. C'est donc tout naturellement qu'ils pensent à assembler des poils d'animaux pour se vêtir et se cuirasser de la tête aux pieds. Au fur et à mesure ils affinent leurs techniques pour n'en privilégier qu'une, la meilleure : celle du feutre.
Robuste, isolant, facile à manipuler, confortable, doux, léger, durable, disponible à profusion, le feutre a toutes les qualités. Ils en acquièrent une totale maîtrise et fabriquent leurs chapeaux, leurs bottes, leurs habits et même leurs habitations en feutre. La fameuse yourte en est le parfait exemple. Elle est constituée de panneaux de feutre épais assemblés sur une structure en bois. Elle répond à des besoins d'étanchéité, de barrière thermique et surtout est facilement démontable ou assemblable. A deux, les mongols montent une yourte moyenne (10 m de diamètre par exemple) en 2h30.
Durant l’antiquité les peuples aux technologies évoluées (Chinois, Grecs, Romains) utilisent le feutre comme couverture (de chariot par exemple) ou comme rembourrage de selles ou d’armures. Comme pare-flèches, un feutre épais est plus efficace qu’un cuir. A la suite du déclin de l’empire romain, la pratique du feutre se perd en Europe occidentale jusqu’à ce que les croisés la ramène de Constantinople.
Aux XIIe et XIIIe siècles, son usage connait un essor considérable en Europe Occidentale et atteint ensuite l'Amérique du Sud.
Selon la légende, c’est Saint Clément qui aurait découvert le feutre lorsqu'il était moine errant. La technique serait née du résultat de sa sueur ajoutée aux fibres de lins dont il tapissait ses souliers pour se protéger du froid et au travail mécanique qu'effectuaient ses pieds lors de la marche et qui agglomérait les fibres. Bien que cette légende ne repose sur aucuns faits avérés, Saint Clément est devenu le saint patron des fabricants de feutre et sa fête, le 23 novembre, est traditionnellement un jour chômé chez les chapeliers.
Au Maroc, le travail du feutre est également très ancien.
Particulièrement apprécié pour ses vertus d’isolation, d’imperméabilité que de facilité d’entretien ce matériau était, autrefois, principalement destiné à la confection des tapis de prière, de divers couvre-chefs tels les traditionnels tarbouches rouges, de tapis de selle pour les chevaux de la Fantasia. À Marrakech, où le métier a donné son nom au souk Lebaddine, ils étaient plus d’une soixantaine de boutiques à ne produire que du feutre. Dans les années 70, une trentaine exerçait encore leur art alors qu’actuellement ils se comptent sur les doigts d’une seule main dans l’étendue du Royaume.
Si la corporation des artisans feutriers a souffert d’une certaine modernité, celles des textiles synthétiques et des techniques industrielles, une mode venue d’Europe tend, aujourd’hui, à sauver cette activité traditionnelle et à ressusciter le métier. Redécouverte, cette matière première est très prisée par les touristes européens et ce sont désormais les chapeaux multicolores, les sacs, les paniers, les chaussons ou encore les dessous de plat qui trouvent faveur auprès dune clientèle plus internationale. Mais si les produits, les formes et les couleurs ont évolués, les gestes demeurent immuables et restent ceux des artisans de l’ancien souk des feutriers de la médina.