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Le Mokahla est le long mousquet traditionnel commun depuis ses origines aux populations berbères du Maroc et des autres pays du Maghreb.
Son nom vient manifestement du vocable Mekeh’let qui signifie fusil en Tamazight.Utilisé autrefois comme arme de chasse ou de guerre, le Mokahla se distingue des autres fusils par la taille de son canon, la forme de sa crosse ainsi que par la richesse de ses ornements qui symbolise la puissance et le rang social de son propriétaire.Sa conception est influencée dès le XVIème siècle par l’importation d’armes à feu européenne.
Les variations observées d’une tribu à l’autre, dans la forme, les décorations et techniques de fabrication s’expliquent par la diversité des influences étrangères nées au gré de l’histoire, du commerce, des guerres ou de l’occupation.
On peut distinguer les différents types de Mokhalat par la forme de la crosse, qui varie à travers le Maroc suivant leur région d’origine.Dans le sud, ils ont une crosse fine, légèrement décorée d’incrustations d’ivoire ou d’os et sont facilement reconnaissables par la présence d’une large bande de fer soudée au niveau de la liaison entre le canon et le fût, à hauteur du tonnerre.Dans le nord, lacrosse en forme de queue de poisson, est large, épaisse et robuste.
Le Mokahla est équipé, dès la fin du XVIèmesiècle, d’un dispositif de mise à feu d’origine Hollandaise appelé « platine à chenapan ». Actionné par un ressort, un bras métallique, appelé chien, tient un éclat de silex.
Lorsqu’on lève le chien pour le mettre sous tension, le ressort se comprime. Une plaque d’acier verticale, la batterie, est placée contre le bassinet, dans lequel est déposée la poudre d’amorce. En appuyant sur la détente, le chien bascule en avant, frottant le silex contre la batterie, ce contact produit des étincelles qui tombent dans la poudre d’amorce.
Cette platine dite « à chenapan », forme le modèle de base d’un mécanisme de mise à feu qui est resté en service pendant à peu prés deux siècles et demi. Au début du 19ème siècle, la découverte de substances hautement explosives, comme le fulminate de mercure, va permettre d'éliminer les points faibles de la platine à silex.
L'amorçage de la poudre se fera alors par le choc du chien sur une petite capsule contenant du fulminate, glissée sur une cheminée aboutissant à la chambre de combustion. Ce nouveau principe supplante définitivement le silex.
Demeuré en dehors des limites de l'Empire ottoman, le Maroc dispose dès le début du 17ème siècle d'un arsenal équipé de canons, de fusils et d'arquebusesLes trois républiques du Bou-Regreg constituent à cette époque une puissance maritime redoutable.
De 1618 à 1626 près de 6000 chrétiens sont capturés en mer par les pirates salétins qui écument les côtes Atlantique.
Echangés contre rançon ces otages font l’objet d’un commerce florissant ; celui-ci se développe notamment avec les Hollandais qui jouissent en contrepartie d’une immunité absolue.
Outre les armes de prise, les premiers fusils équipés de platines à chenapan, un système de mise à feu inventé aux Pays-Bas, se répandent à travers le pays.Ces « modèles » seront par la suite copiés par les forgerons et artisans marocains qui, en fonction des circonstances historiques et de leur propre savoir-faire, les modifient sur le plan esthétique en se pliant aux goûts et aux exigences de leurs commanditaires.
La structure de l’organisation sociale est bouleversée par la circulation et l’usage des ces armes qui modifient l’équilibre des rapports entre le pouvoir central et les tribus et affectent même les relations entre le Maroc et les puissances européennes.
Durant plus de deux siècles, l’Angleterre, la Hollande et la France livrent de grandes quantités de canons, de pièces et d'armes montées, alors que la poudre est importée d'Italie.Les défaites d’Isly en 1844 et de la guerre de Tétouan en 1860 incitent quelques années plus tard le Sultan Moulay Hassan à poser les bases d’une industrie militaire par la création d’un arsenal à Fès, la Makina, qui fabrique fusils et canons ainsi que d’une cartoucherie et d’une fabrique de poudre établies à Marrakech.
Mais pour s’équiper en fusils, les tribus développent leur propre savoir-faire qui se transmet entre artisans armuriers, dans différentes régions, à Taghzout dans le rif ou à Tétouan, à Fez, Senhaja, Azillal ou dans le Souss.La profession est alors organisée en 3 filières d'artisans.
La première dédiée à la fabrication des canons est alimentée par des commerçants musulmans et juifs qui lui fournissent la matière première constituée de tubes d'acier doux importés d'Europe.Cette production est revendue à la filière suivante qui se consacre à la fabrication des platines.
Celles-ci pouvaient être de deux types : A silex de type chenapan, d’origine hollandaise, qui équipaient jusqu’au début du 20ème siècle la majorités des armes à feu, et à percussion, un système beaucoup moins répandu à cette époque en raison du prix élevé des amorces.
La troisième filière regroupe les artisans spécialisés dans la fabrication des fûts en bois dur, généralement pourvus de riches ornementations réalisées par des ouvriers juifs qui pratiquent le niellage, la damasquinerie à l’argent ou à l’or et les inclusions de pièces de monnaie et d’os de chameau de nacre ou d’ivoire.Arme de chasse et de guerre durant près de trois siècles, le mokahla traditionnel va peu à peu céder la place au fusil moderne sans toutefois disparaître grâce à la survivance d’une très ancienne tradition.Depuis le début du 19ème siècle, le guerrier, le cheval et le fusil ont toujours été associés dans les descriptions des voyageurs européens découvrant le Maroc.
La frénésie provoquée par cette tradition équestre perpétuant les charges guerrières de jadis, porte, dans le langage populaire, le nom très évocateur de « Laâb el baroud », « le jeu de la poudre, qui va prendre l’appellation universelle de « fantasia ».
Aujourd’hui grâce à ce divertissement spectacle qui participe au succès populaire des moussems, le savoir-faire des artisans armurier reste très vivace.
Les tenants de cette tradition ancestrale qu’est la fantasia sont en effet très attachés à l’archaïsme des systèmes de platine, et à l’odeur de soufre qui accompagne l’épaisse fumée dégagée par la poudre noire de leur bon vieux Mokahla.